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01.

Aperçu

Scène d’hiver du havre gelé de Toronto, vu de loin, avec des gens qui patinent et des chevaux qui tirent des traîneaux.

La baie de Toronto, scène de patinage, de John Howard, 1835. Gracieuseté de la Bibliothèque publique de Toronto.

Dans ce chapitre, nous allons explorer les racines historiques du patinage artistique à l’aide de livres, lettres, tableaux et autres sources. Nous retracerons l’histoire du patinage artistique depuis ses origines et sa popularité grandissante en Europe jusqu’à sa venue au Canada avec les premiers colons, explorateurs et militaires qui l’ont utilisé comme loisir et pour le transport et le commerce. Vous découvrirez où se situait le premier club de patinage au Canada, qui a développé les premiers patins de patinage artistique et qui a écrit les premiers livres d’instruction pour ce sport.

Paire de lames de patins, vue de profil. La partie avant de la lame s’allongeait vers le haut pour passer par-dessus l’orteil du patineur, se recourbant comme la coquille d’un escargot.

Ces élégants patins de loisir s’attachaient aux bottes de la personne qui les portait à l’aide de lanières de cuir. Europe, vers 1780-1820. Collection du Musée Bata de la chaussure. P16.6

Fait marquant

Quelle a été la première image du patinage à être publiée?

Fait marquant

Quelle a été la première image du patinage à être publiée?

Photo du livre d’un antiquaire, ouvert, montrant une page avec du texte et, sur la page opposée, une gravure en couleurs sur bois représentant sainte Lidwina.
Sainte Lidwina (1380-1433), de Johannes Brugmann, 1498. Collection de Gemeentearchief Schiedam (Archives municipales de Schiedam).

Une des premières images connues du patinage en Europe est apparue en 1498. Il s’agit d’une gravure sur bois représentant sainte Lidwina, patronne des patineurs; elle a été publiée dans une hagiographie, ou livre des saints, par le frère franciscain Johannes Brugman.

02.

Bottes et lames

Lame de patin, vue de profil, montrant la lame recourbée bien haut au-dessus de l’orteil du patineur.

Lame de fer forgé recourbée au-dessus de l’orteil, fixée à une plateforme de bois sur deux pieds de métal. Il manque les lanières de cuir. Vers 1780-1850. Collection du Musée Bata de la chaussure, S80.1697

Les premiers colons documentent le patinage en Amérique du Nord

Un renouveau économique pendant les 16e et 17e siècles a fait en sorte que les gens avaient plus de temps à consacrer aux loisirs. Pendant cette période, la popularité du patinage a augmenté de façon exponentielle, surtout en Angleterre, en Russie et dans les pays de la partie nord de l’Europe. Des lames de métal sanglées aux bottes ont remplacé les os d’animaux et les pièces de bois qui étaient utilisés auparavant pour glisser.  

Lame de patin à la pointe retroussée en une courbe très serrée, fixée à une plateforme de bois pour le pied. La partie de la lame qui se trouve au-delà du talon est ouvragée de façon décorative. Vue de profil.

Trouvé au Québec, ce patin possède encore les fixations de cuir qui servaient à attacher la lame à la botte du patineur. Vers 1800-1850. Collection du Musée Bata de la chaussure, P80.1700

Défilez vers la droite sur l’écran pour voir des patins de la fin des années 1700 et du début des années 1800 provenant de la collection du Musée Bata de la chaussure :

Pierre Dugua de Mons, un des premiers explorateurs de la Nouvelle-France, a relaté ses expériences dans un journal. En 1604, il s’est installé sur l’île Sainte-Croix, dans la baie de Fundy. Il note qu’ « au cours de l’hiver, certains jeunes hommes sont allés chasser malgré le froid. Ils sont allés patiner sur les étangs ».

Paire de lames de patins, vues de côté et montrant la marque Rogers sur la lame. La pointe de la lame, recourbée au niveau de l’orteil, s’attache au bout avant de l'assise plantaire en bois.

La plateforme en forme de violon était surtout utilisée en Europe, mais ces patins sont des patins américains confectionnés par Douglas Rogers and Co, de Norwich, au Connecticut. Vers 1850-1870. Collection du Musée Bata de la chaussure, S80.1709

Les premiers colons et explorateurs ont apporté leurs patins à glace en Amérique du Nord dans leurs bagages. Au 18e siècle, les lettres de l’explorateur et officier britannique Thomas Anburey décrivent l’immense popularité que connaît ce sport parmi les officiers britanniques présents en Amérique du Nord. Anburey raconte que le sport était très populaire en raison de « la présence régulière de vastes étendues de glace ». Posté près de la ville de Québec avec le 47e Régiment de fantassins de l’armée britannique, Anburey remarque en 1789 que « plusieurs officiers du régiment, qui aiment énormément le patinage, ont formé un club de patinage afin d’encourager les distractions et la convivialité ». Anburey mentionne que les Autochtones patinaient aussi.

Paire de lames de patins en laiton avec une lame recourbée au-dessus de l’orteil et des lanières de cuir, vues de profil.

Ces lames possèdent des motifs découpés en forme de cœur. Le bas des lames a été travaillé pour former des carres qui donnent plus de contrôle au patineur. Amérique du Nord, vers 1850-1860. Collection du Musée Bata de la chaussure, P82.146

 

Défilez vers la droite sur l’écran pour voir des patins des années 1840 aux années 1870 provenant de la collection du Musée Bata de la chaussure :

Le sport était tellement populaire qu’en 1748, François Bigot, fonctionnaire du gouvernement français, a promulgué une ordonnance interdisant aux gens de patiner dans les rues de la ville de Québec.

Paire de lames de patins entièrement en métal, y compris l'assise plantaire, qui est en bois sur la plupart des autres lames.

Modèle inhabituel de lames, en alliage de métal avec détails en laiton. Origine possible : France, vers 1850-1860. Collection du Musée Bata de la chaussure, P82.79

Paire de lames de patins avec protège-talon et support à cheville en métal avec lanières de cuir.

Cette paire possède des supports de cheville en laiton nickelé et porte la marque de fabrication « BLONDIN SKATES PATD Oct.2 1860 ». Fabriqué par la Douglas Rogers & Company à Norwich, au Connecticut, vers 1860. Collection du Musée Bata de la chaussure, P88.23

Au cours des 18e et 19e siècles, la plupart des patins étaient importés de Hollande, d’Allemagne, de France et d’Angleterre. Vers la moitié du 19e siècle, la popularité du patinage a mené au commencement de la production de patins en sol canadien. 

 

Défilez vers la droite sur l’écran pour voir des patins des années 1850 et 1860 provenant de la collection du Musée Bata de la chaussure :

Paire de lames de patins entièrement en métal, montrant un embout de protection à l’orteil et le clip au talon.

Ce modèle à l’apparence d’une cage a été breveté par « Shirley’s » en 1859. Il s’agit d’une lame entièrement en métal qui se verrouille sur la botte du patineur à l’aide d’un clip et qui peut être ajustée à la hauteur du talon selon la taille du pied.

Fait marquant

Qu’utilisaient les gens pour patiner avant l’invention des lames de métal?

Fait marquant

Qu’utilisaient les gens pour patiner avant l’invention des lames de métal?

Photo d’un os d’animal de couleur brune, percé d’un trou à un bout. La surface destinée à patiner est limée pour la rendre lisse et plate.
Os d’animal avec un côté aplati et poli. Origine possible : Europe, 16e siècle. Collection du Musée Bata de la chaussure

Les gens attachaient des os d’animaux sous leurs chaussures pour traverser des étendues d’eau gelées. Les patineurs utilisaient de longs bâtons pour améliorer leur équilibre et leur élan. À cette époque, le patinage était surtout un moyen de transport plutôt qu’un loisir.

Les débuts de la technologie du patin : l’influence néerlandaise

L’art néerlandais nous apprend plusieurs choses sur les débuts du patinage sur glace en Europe. Tant la qualité artistique que les défis techniques du sport sont immortalisés dans divers médiums, que ce soit sur des carreaux de faïence de Delft, des tableaux ou des gravures.

Tuile blanche avec l’illustration, en bleu, d’un homme vu de dos qui patine. Chaque coin de la tuile est décoré d’une feuille bleue.

Carrelage de céramique de Delft avec une illustration d’un patineur hollandais. Hollande, vers 1650. Archives Astra Burka.

Scène vue d’en haut d’une vaste surface glacée flanquée de bâtiments sur la droite et la gauche. Des gens patinent sur la glace.

Paysage d’hiver avec patineurs, de Hendrick Avercamp, vers 1608. Collection du Rijksmuseum

Les patins néerlandais typiques étaient connus sous le nom de « sliders » (« glisseurs » en français). Les patineurs attachaient des lames de métal à leurs chaussures à l’aide d’une plateforme de bois et de lanières de cuir.

Image en noir et blanc d’un homme qui travaille dans son atelier, limant la plateforme de bois d’un patin.

Le fabricant de patins. Gravure de Jan Luyken, 1694. Collection du Rijksmuseum

Paire de lames de patins, une vue de profil et l’autre vue de haut. Les longues lames s’étendent bien au-delà de l’orteil, se terminant en forme de gland de chêne.

Le patin de style Breinermoor a été confectionné pour la première fois vers 1750. Cet exemplaire a été trouvé en Hollande, vers 1750-1850. Collection du Musée Bata de la chaussure.

Ces patins permettaient de se déplacer avec aisance sur les canaux, les lacs et les étangs gelés. Dans une gravure d’un patineur, l’artiste baroque Rembrandt reproduit fidèlement la fluidité de mouvement que procuraient ces patins néerlandais.

Croquis au crayon d’un patineur portant des patins à lames recourbées et tenant un bâton sur ses épaules.

Le patineur, de Rembrandt, 1639. Collection du Rijksmuseum.

Thomas Anburey note lui aussi l’influence néerlandaise sur le patinage. Il écrit en 1789 que « les Canadiens patinent à la manière des Néerlandais, et extrêmement vite ». 

 

Défilez vers la droite sur l’écran pour voir des patins des années 1750 aux années 1850 provenant de la collection du Musée Bata de la chaussure :

Fait marquant

Qui a été un des premiers fabricants de lames de patin en métal pour la royauté?

Fait marquant

Qui a été un des premiers fabricants de lames de patin en métal pour la royauté?

Patins ornés d’un motif en forme de cygne sur les lames, la tête du cygne figure sur la partie avant de la lame, devant les orteils.
Patins de la reine Victoria et du prince Albert, 1840. Gracieuseté de John Wilson Marsden Bros & Co. Ltd. Sheffield

Le roi William III d’Angleterre a chargé John Wilson, un fabricant d’outils, de lui fabriquer une paire de lames de métal en 1696. En 1840, l’entreprise fusionnée John Wilson, Marsden Bros. & Co. Ltd. a été mandatée pour fabriquer des patins pour la reine Victoria d’Angleterre et le prince Albert.

03.

Mouvement

Le patinage artistique contemporain comprend des sauts, des pirouettes et des figures complexes. La structure des premiers patins n’était pas encore assez développée pour permettre ce genre de mouvements. L’objectif principal était d’avancer.

Des lames de métal ont été utilisées à compter du 14e siècle pour les déplacements d’une ville à l’autre, les affaires et le commerce, les visites à des amis et simplement comme loisir. L’utilisation de bâtons servait alors à améliorer l’équilibre et l’élan vers l’avant.

Page jaunie avec un croquis d’un homme en pantalon, manteau vert et foulard rouge, qui patine vers le spectateur.

Patineur de Frise (en néerlandais, « Friesland »), gravure de Elchanon Verveer, vers 1850-1863. Collection du Musée Bata de la chaussure, P83.223

Robert Jones : Un des premiers instructeurs de patin

Le livre de l’anglais Robert Jones, A Treatise on Skating (Traité de patinage en français), s’appuie sur « plusieurs années d’expérience » grâce auxquelles il est possible « d’enseigner et d’apprendre avec méthode » le « noble exercice » du patin. Jones a esquissé les premiers principes fondamentaux du sport, en incluant également des diagrammes de certaines figures de patinage. Les premières figures de patinage comprenaient entre autres le Mercure volant, la position d’escrime, la ligne serpentine et le grand aigle. L’ouvrage de Jones, publié en 1772, est l’exemple le plus ancien qui soit connu d’un livre consacré à l’aspect artistique du patinage.

Croquis d’un homme en manteau, gilet et culottes qui porte des patins à pointe recourbée, et effectue un mouvement où sa jambe gauche est légèrement levée derrière lui alors que son bras droit est relevé très haut devant lui.
Illustration du mouvement de patinage du « Mercure volant », du livre de Robert Jones, 1772. © Administrateurs du British Museum.

Les patineurs ont découvert que faire de longues enjambées et prendre appui sur l’intérieur ou l’extérieur de la lame générait un mouvement continu sur la glace, un mouvement qui était à la fois pratique et élégant. Ce mouvement fut nommé « Dutch roll » (balancement hollandais en français).

Scène d’hiver montrant au loin une grande surface gelée bordée de bâtiments, avec des gens qui patinent.

Patinage au village, de Hendrick Avercamp, vers 1610. Collection du Rijksmuseum

La découverte du balancement hollandais est l’un des premiers pas vers l’avènement du patinage artistique. Ce mouvement continu est caractéristique du patin dès le 16e siècle. Les Anglais ont plus tard développé des figures qui se fondaient sur le balancement hollandais.

Jean Garcin : Influence du sens artistique français sur le patinage

En 1813, Jean Garcin a publié en France Le vrai patineur ou Principes sur l’art de patiner avec grâce. Influencé par le ballet, le patinage français privilégiait la beauté de la forme et la grâce d’exécution. Patiner à reculons est alors devenu partie intégrante de cette forme d’art. Avec un répertoire croissant de mouvements à exécuter, les patineurs avaient besoin d’une surface plus grande où pratiquer. Garcin a illustré plus de 30 différentes figures de patinage, illustrations qui sont tout aussi belles que variées. Plusieurs d’entre elles sont encore utilisées par des patineurs aujourd’hui.

Page jaunie montrant un homme qui patine à reculons avec le bras droit et la jambe droite étendus derrière lui et le bras gauche s’étirant haut devant lui.
Image « déhors en arrière » dans Le vrai patineur de Jean Garcin, 1813. Collection de Villanova University
Fait marquant

Où a été créé le premier club de patinage au Canada?

Fait marquant

Où a été créé le premier club de patinage au Canada?

Scène d’hiver montrant au loin des patineurs sur la glace de Lily Lake.
Lily Lake, Nouveau-Brunswick. © Provincial Archives of New Brunswick / Archives provinciales du Nouveau-Brunswick

Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, a été l’endroit où a été créé le premier club organisé de patinage au Canada. Créé en 1833, soit 34 années avant la Confédération, le club de patinage Lily Lake était une destination populaire pour les fervents du patinage.

04.

Costume

Des costumes recherchés constituent une caractéristique essentielle du patinage artistique contemporain. À ses débuts, la mode en patinage allait des dernières tendances jusqu’aux vêtements de travail de tous les jours. Les vêtements devaient être chauds et comporter plusieurs couches.

Scène d’hiver montrant six personnes sur la glace, un homme à l’arrière-plan pousse devant lui un chariot bien rempli qui est muni de lames permettant de le pousser sur la glace.

Patineurs sur la glace, de Hendrick Avercamp, vers 1620-1625. Collection du Rijksmuseum

Des tableaux de maîtres néerlandais du 17e siècle font voir des villageois se déplaçant sur la glace et habillés de vêtements typiques de cette période.

Peinture d’une scène d’hiver sur le fleuve, avec des gens en patins qui jouent et socialisent à l’avant-plan.

Skaters on the Amstel (« Patineurs sur le fleuve Amstel »), de Arent Arentsz, 1620. © Musée des beaux-arts de l’Ontario

Le portrait du révérend Robert Walker par le peintre écossais Sir Henry Raeburn en 1795, affectueusement intitulé The Skating Minister, est possiblement l’une des plus célèbres représentations d’un patineur. Il semble que le révérend Walker s’apprête à partir en patins pour aller prononcer un sermon.

Un homme glisse sur la glace. Il porte une cravate blanche, un long manteau noir et un chapeau ainsi que des couvre-jambes noirs ajustés.

The Skating Minister (« Le révérend en patins »), de Henry Raeburn, années 1790. © National Gallery of Scotland (Musée des beaux-arts d’Écosse)

Des tableaux plus régionaux, comme celui de patineurs sur la baie de Toronto en 1835, de l’architecte torontois John Howard, nous montrent des patineurs en tenue géorgienne tentant de se tailler une place sur la glace parmi les traîneaux et les piétons.

Des hommes portant des patins à pointe recourbée s’amusent à patiner. Des chiens se joignent à eux. Des traîneaux tirés par des chevaux transportent des hommes et des femmes sur la glace. On aperçoit des femmes à l’avant-plan se tenant debout sur la jetée avec leurs longues robes.

Brown’s Wharf (« Le quai Brown ») de John George Howard, 1835. Gracieuseté de la Bibliothèque publique de Toronto.

05.

Musique

Tandis que la musique joue un rôle clé dans toute routine de patinage contemporain, la musique n’était pas aussi importante sur les étendues d’eau gelées. Comme la musique n’est pas absolument nécessaire au patinage en plein air, on ne songeait peut-être pas encore à trouver comment projeter avec succès le son de la musique dans de grands espaces ouverts. Cependant, l’activité du patin était soulignée dans les chansons populaires. L’une d’entre elles, The Skater’s March (La marche des patineurs en français), a été composée pour le club de patinage d’Édimbourg, l’un des premiers clubs de patinage d’Écosse. Les paroles de cette chanson enjouée publiée dans l’édition de 1780 du Traité de patinage de Jones font référence aux premiers mouvements de patinage artistique :

De gauche à droite, nous nous exerçons
Plus rapides que le vent, nous volons
Sphères environnantes
Santé et force abondantes
Nos cercles balaient la glace
Figures élégantes
Regardez comme nous caressons
La surface de la glace

Robert Jones